Marie Ndiaye est de retour. Prix Goncourt pour Trois Femmes Puissantes en 2009, elle aborde cette fois le roman familial, ses mystères et ses secrets, à travers les destins croisés de trois femmes, encore, trois générations à la recherche d'un nom. Le nom du père, dépositaire de l'histoire originelle. Et la transmission qui s'opère entre ces trois femmes, est bien celle du manque. Chacune d'entre elles parviendra à le combler, quitte à s'engager dans un processus aux frontières du réel.

                                   ladivine

Un réel dont les fondations sont défaillantes, qu'il faut constamment combler, consolider, que Clarisse s'emploie à reconstruire, à dénier, au prix d'un remords qui l'empêche d'avancer, s'accrochant pourtant aux illusions d'une vie qui lui offre un nom, dépositaire possible d'une histoire qui n'advient pas.

Clarisse n'était qu'un prénom(celui qu'elle a choisi), elle va s'appeler Rivière, coulant une vie sans vagues avec son mari Richard. Et garder secrète l'existence de sa mère, qu'elle visite rituellement , un retour mortifère, le prix à payer pour l'abandon de cette mater dolorosa, gardienne de ses origines. "Et que sa mère eût ainsi hérité les caractéristiques physiques de toute une postérité, puis les eût transmises à sa fille (les traits, les bras, la longueur de la silhouette, et, grâce à Dieu, c'était tout) avait autrefois étourdi de colère Clarisse Rivière, car comment échapper durablement si l'on était ainsi marqué, comment prétendre n'être pas ce qu'on ne voulait pas être, ce qu'on avait pourtant le droit de ne point vouloir être ? "

 

Et puis Clarisse et Richard ont une fille, Ladivine. Qui va grandir et partir, mettre de la distance et créer elle-même une famille, dont la réalité va devenir tellement insupportable qu'elle choisira une improbable issue de secours.


Le poids des non-dits, le trouble identitaire, l'obstination à ne pas se démasquer, "c'était comme si... elles se se voyaient distinctement l'une l'autre à travers leurs masques tout en sachant qu'elles ne les ôteraient jamais." Le masque se dit "persona" en latin. 


Et il n'est pas question de déflorer ce roman, dont la progression est essentielle. Donner les éléments du puzzle serait briser le charme que va vous procurer la lecture de ce fabuleux bouquin.

Les vicissitudes de la filiation et la transmission impossible, celle d'un nom qu'on ne découvre qu'à la fin. La nomination, cet acte symbolique qui octroie l'humanité. Je suis moi. Là où Ladivine est une autre.


 

vesale 12 prise de tête ? Marie Ndiaye sait exprimer l'indicible, ce qui vous hante parfois, de façon salutaire. Un embryon de réponse à la question sans fond de nos origines.


Magnez vous, La grande surface est encore ouverte. Et tu penses à prendre le pain pendant que tu y es.

 

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