L'angoisse prémonitoire d'un inquiétant pressentiment fait frémir en nous l'appréhension sournoise d'un danger mal défini. On est inquiet. Coupables peut-être, lâches probablement, notre incapacité à agir nous renvoie constamment à notre statut misérable de mouton de Panurge.

           radeau de la méduse

Panurge, le pote à Pantagruel, en jetant le mouton du haut de la falaise, que les autres suivent illico, est loin d'imaginer que de nos jours, le drame aurait été envisagé sous d'autres angles. Le suicide et sa prévention. L'acrophobie (la peur du vide, à ne pas confondre avec l'arachnophobie) et sa thérapie comportementale.

Le radeau de la Méduse (une histoire vraie, disponible en audiodescription), summum du désespoir par Géricault, n'exclut pas cependant une erreur humaine. l'enquête des experts révélera des défauts d'entretien du navire et l'alcoolisme du capitaine. Des passagers souffrant d'émétophobie, dont certains avaient débuté un traitement par hypnose. L'un d'eux a laissé tourner son smartphone pendant le naufrage, et on y voit clairement que quand on coule, avoir envie de vomir constitue bien un handicap. Une fois encore, force est de constater que la prévention est essentielle dans tous les moments clé de la vie.

Votre insouciance nous coûte cher.Vous êtes trop nombreux et quoi qu'on fasse pour votre bien, majoritairement indisciplinés. La politique, le foot, The Voice, rien n'y fait. Il reste encore une part de votre cerveau disponible. De toutes les solutions proposées, celle qui fonctionne le mieux est bien de vous flanquer la trouille. 

                               J F Copé

Instiller sournoisement la culpabilité, le doute, l'incertitude. Là où le discours ambiant, protéiforme, jouant sur l'image et les sources d'informations, en apparence critiques et infinies donnent l'illusion d'une grande liberté. Comment dans ce cas fixer des normes, des règles, celles qu'on associe au bonheur d'être dans le camp du plus grand nombre, celles qu'on se doit d'adopter pour réussir et marcher la tête droite ? Et ne pas se sentir concerné par les exactions et la brutalité qui agitent tous ces pays où de toutes façons on ira pas en vacances ? sauf que vous êtes pas en vacances, et que Christine Barjot et Frigide Boutin vous rappellent comment il faut penser. On pourrait s'en tenir là, mais nous avons les moyens de vous faire flipper un peu plus...

 

DSM-5

Votre santé mentale par exemple. Vous êtes bien sûrs que tout va bien ? Même pas un petit coup de mou, ou un soupçon d'anxiété ? envie de tout casser, de bruler des bagnoles ? De vous glisser au milieu des "supporters" du PSG, pour commettre des "incivilités" ? ça tombe sous le coup de la phobie sociale, passible d'un traitement. C'est dans le DSM-5, le catalogue de la psychiatrie moderne, revu et corrigé ces derniers jours

                                          dsm V

Depuis 1952, c'est la bible des psy. A cette époque, environ une centaine de "pathologies", la plupart issues du courant freudien. Cinq rééditions plus tard, le tableau s'est étoffé, enrichi d'une vision neuroscientifique que bon nombre de professionnels trouvent inquiétante. Vous connaissez déjà les TOC (troubles obsessionnels compulsifs), passés dans le langage courant, ou encore la "phobie sociale", qui dénote déjà la dérive de l'ouvrage. Les troubles comportementaux sont à l'honneur, en particulier chez les mioches, de l'hyperactivité avec déficit de l'attention au troubles envahissants du développement (les TED). Les troubles bipolaires, désormais diagnostiqués à tour de bras sur la tendance à déprimer qui peut toucher chacun d'entre nous. La dénomination antérieure de ce trouble bipolaire était psychose maniaco-dépréssive. Avec un seul traitement validé (aujourd'hui encore ), les sels de Lithium. Mais l'industrie pharmaceutique a de la ressource. D'autres produits ont désormais la cote, et banaliser les troubles bipolaires ouvre la porte à leur utilisation larga manu. Un gamin qui ne fout rien à l'école a ainsi toutes les chances d'être un hyperactif, donc malade, et client de la Ritaline, un stupéfiant radical pour la tranquillité des familles et de la société. La demande parentale, soucieuse de la réussite de sa progéniture, va en augmentant à vitesse V. Le corps médical, et surtout sa branche psychiatrique, dispose désormais de questionnaires validés par des notes, assez semblables aux quizz de vos journaux favoris: " l'homme de vos rêves en 10 questions... plutôt caleçon ou bien boxer ?..." Inutile de raconter votre vie merdique, le questionnaire "Dépression" suffira amplement.Passez chez le psy, et on vous trouvera dans au moins un des paragraphes du manuel.

 

VIGIPIRATE

Jason Bourne, Ben Affleck, Kathryn Bigelow évacuent en images la frustration de tout un peuple. L'américain, la vengeance dans la peau, et les moyens d'y parvenir. La CIA fournit des scénarios à la pelle.Tirés de faits réels, un avertissement qui se révèle juteux au box office. Ne gâchons pas notre plaisir quand cette Agence et ses combines deviennent le sujet du film.

jason bourne S'il fallait illustrer la paranoia, Jason Bourne en serait l'archétype. "Psychose chronique caractérisée par un délire plus ou moins bien systématisé, la prédominance de l'interprétation, l'absence d'affaiblissement intellectuel, et qui n'évolue généralement pas vers la détérioration." Le complot invisible qui menace Jason Bourne est le prétexte à l'action violente et à la course aux indices. Toujours regarder derrière soi, ne faire confiance à personne...

L'autre beau mec du cinéma américain qui donne dans le thriller lié à l' Agence c'est Ben Affleck. ARGO c'est du cinéma version Hollywood.Une histoire vraie datant de 1979. Jimmy Carter est le président des Etats-Unis, le Shah d'Iran malade s'est fait la malle au Mexique, et Khomeini( ayatollah ) prend du poil de la bête. La révolution enfle et l'ambassade américaine est prise d'assaut, les émeutiers faisant une cinquantaine de prisonniers. Seuls 6 employés prennent la fuite et se cachent chez l'ambassadeur canadien. La CIA et le Canada organisent une "exfiltration". Déjà vu mille fois dans le cinéma US. Sauf que le scénario choisi fait appel au cinéma. On invente un projet de film, dont les "évadés" seront les techniciens. Une série Z de science fiction intitulée Argo. Les détails de l'opération sont approximatifs, la vision du conflit franchement manichéenne (Ricains généreux et malins/ Iraniens balourds), mais le suspense est jouissif et efficace. Gros succès aux Oscars 2012. Grosse colère à Téhéran. Propagande ? la vérité c'est quoi ? La vie ou la fiction ?

A minuit trente. Zero Dark Thirty, en langage militaire. Oussama Ben Laden va être effacé de la planète par un commando américain à Abbottabad au Pakistan, le 2 Mai 2011. Soit pratiquement 10 ans après le 11 septembre 2001.

            zero drk thirty 2

Le film de Kathryn Bigelow est d'abord une enquête par tous les moyens. La torture en est un. "Mon ami, nous sommes faits pour nous entendre. Mais si tu mens, je vais te faire mal." Une somme de petits détails, obtenus par hasard, qu'une jeune et frêle diplômée de la CIA (Jessica Chastain) parvient à rassembler, pour avoir l'intime conviction du lieu de la planque de Ben Laden. La piste principale c'est "le messager", personnage le plus proche de Ben Laden. Les 45 minutes finales, l'assaut, seraient une reconstitution fidèle et en temps réel ! Il y a dans ce film toute la détermination d'un pays qui ne peut imaginer une seconde qu'il peut perdre la partie. Le début du film est aveugle. On entend les appels téléphoniques désespérés des prisonniers des tours du World Trade Center. Les images s'ouvrent sur d'autres prisonniers qu'on torture. Il n'y avait pas d'autre choix selon l'auteure. Oeil pour oeil ?Heureusement le film s'attache au personnage féminin, armé d'une sincère et farouche résolution. Jessica Chastain n'est pas Rambo, s'appuyant plus sur sa connaissance du sujet que sur ses aptitudes physiques. Son entêtement, qu'on sait juste aujourd'hui, se confondant avec l' aveuglement qui lui permet de tout voir et de tout supporter. La parano n'est pas loin, cristallisant celle de tout un peuple avide de vengeance. Oscars oblige en 2013.

 

Take Shelter.

          take shelter

Trouver un abri. Michael Shannon(Curtis) et Jessica Chastain (encore elle) ont une fille sourde. La vie difficile de ce couple va basculer dans la folie. Habitué à communiquer par les signes, Curtis va s'attacher à ceux du ciel, jusqu'à en faire une obsession paralysante. Ce film de Jeff Nichols est le contrepoint des histoires précédentes. La tempête qu'il voit venir nous rappelle la fin du monde de Melancholia (Lars Von Trier) ou celle de Terrence Malick dans The Tree Of Life (encore Jessica Chastain). Rien de spectaculaire dans ces nuages noirs chargés de menaces. Un cauchemar qui hante l'Amérique profonde, et finalement tous les damnés de la terre. Une angoisse existentielle qui envahit insidieusement la vie quotidienne de chacun de nous, de ceux qui ne finissent pas le mois, qui ne trouvent pas de taff, d'une intervention chirurgicale qui va laisser le couple du film sur les genoux. La paranoia de Curtis est aussi tirée de faits réels. La crise des Subprimes qui a lessivé bon nombre d'américains est dans ces nuages, dans cette tornade qui s'annonce, et la CIA n'y pourra rien.

Tous aux abris ?

                                      la mort aux trousses 

                                 D'accord j'arrête. J'exagère, je sais. 





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