"Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte". Thierry Jonquet.
Après quelques semaines d'insomnies à se ronger les sangs sur de bons gros polars, en voici une sélection sortie de mon tiroir. Du récent et de l'ancien, mais du beau du bon, je vous promets.

Prisoners

Dans les polars à voir, la surprise au cinéma c'est le film Prisoners de Denis Villeneuve, le canadien, qui lorgne du côté de Dennis Lehane, l'auteur de Mystic River entr'autres, nous embarquant dans une histoire poisseuse d'enlèvement d'enfants où s'affrontent Hugh Jackman et Jake Gyllenhal. Loi du talion contre loi des hommes.
Deux points de vue dans l'urgence des décisions. Action violente pétrie de vengeance du père, élevé au grain du chacun pour soi et Dieu pour tous, que la paranoia fait ployer du mauvais côté de la force, et s'acharner sur un monstre tout désigné. Enquête obsessionnelle du flic au visage mangé par des tics nerveux, lente et méthodique, entravée par une hiérarchie incompétente. L'enjeu est si douloureux, que le réalisateur nous met face à nos propres contradictions. Retrouver les enfants, mais à quel prix.
POLARS dans le tiroir

Ma révérence

Une BD, parfaitement. Pas n'importe laquelle. Primée Fauve d' Angoulème, prix du Polar SNCF en ce début 2014.
le scénario, très original, est de Wilfrid Lupano, et les dessins de Rodguen. Deux potes, à la ramasse, Vincent le plus jeune et Gaby Rocket, la cinquantaine, rocker attardé, font le projet de braquer un fourgon de convoyage de fonds.
"On fait un braquo social, tu comprends, social ! c'est une sorte de performance artistique avec un message politique sous-jacent, quoi! " Et c'est là, "que l'articulation narrative part en couille"
Robin des bois de banlieue qui se prennent les pieds dans le tapis de la solidarité sociale, poursuivis par un passé merdique.
Une BD obligatoire.
POLARS dans le tiroir

Caryl Férey. Saga maorie. Haka-Utu

Un polar exotique, ce n'est pas la première fois, c'est même un classique du genre. Combien de capitaines, le grade moyen du flic dans la littérature policière, ne se sont déjà aventurés en terre inconnue ? Au fond quelle différence ça fait de s'enfoncer la nuit dans une banlieue d'Auckland , les township du Cap, ou dans les caves du 9 cube ?
Le polar est la voie royale de l'ethnologie, de la sociologie et des tréfonds de l'âme humaine. Les puristes peuvent avancer qu'il s'agit d'un sous-genre construit sur une technique narrative simpliste consistant à accrocher le lecteur par les couilles, en le baladant dans des atmosphères franchement inspirées du cinéma. Les films américains des années 50(1950) ont creusé le sillon que d'autres ont abreuvé du sang neuf des temps modernes et des progrès de l'artillerie.
Les protagonistes de Saga maorie n'échappent pas au cliché. Des grands balèzes qui défoncent du truand à tour de bras, quand ils ne le font pas eux-mêmes avec tous les trucs chimiques qu'ils ont en magasin. Il y a une hiérarchie dans la police. Les chefs sont corrompus, et il faut bien que quelqu'un se dévoue pour faire le sale boulot. Un mec qui n'a plus rien à perdre, qui en a bavé. Les tourments personnels du flic (ou du détective) c'est ça le truc auquel on s' identifie. Sa violence et sa brutalité ont ainsi des circonstances atténuantes.
"La violence était sa drogue, sa faiblesse, le mépris qu'il avait de lui-même". Jack Fitzgerald, commandant de la police d'Auckland, ville portuaire de Nouvelle Zélande, dans l'île du Nord, est d'origine maorie, un peu de sang All Blacks, qui dansent le Haka avec des tatouages et des grimaces menaçantes.
L'originalité du récit tient dans la dynamique du héros. 25 ans plus tôt, il s'engage dans la police pour retrouver sa femme et sa fille disparues mystérieusement. Chacune de ses enquêtes , et celle que nous allons suivre avec passion, sont censées l'aider à retrouver sa famille. Tueurs en série oblige, nouvelle collègue spécialiste en criminologie à supporter, et des envies de taper sur tout ce qui bouge pour calmer son obsession.
Morts violentes, crimes rituels, dans un pays où la aussi l'ascenseur social est en panne.
je ne vous dirai rien de l'histoire, addictive à souhait, haletante, avec son héros charismatique et bien burné, sauf que les survivants s'amenuisent à chaque chapitre.
Une histoire en deux actes. Paul Osborne, flic lui aussi, à la suite d'une engueulade mémorable avec son pote Jack, a quitté Auckland pour l'Australie. Hanté par le souvenir d'une femme, le seul amour de sa vie, il est de retour.
"Un retour au pays lui faisait aussi chaud au coeur qu'une balle tirée dans le dos." La suite de l'enquête entamée par Jack Fitzgerald, avec la même hargne suicidaire, pour un thriller d'un noir d'encre. Celle qui rend les tatouages indélébiles.
"Vivre, ou comment extraire le dard d'une guêpe en vol..."
adaptation à l'écran en 2013 du roman éponyme de Caryl Férey de 2008

adaptation à l'écran en 2013 du roman éponyme de Caryl Férey de 2008

Jérome Salle, pour les non cinéphiles, c'est le réalisateur des Largo Winch. C'est pas Scorcese, ni Ridley Scott, mais le traitement du polar de Férey est à la hauteur. Deux interprètes de poids: Orlando Bloom et Forest Whitaker, le tandem classique vieux/jeune, blanc/noir, qui fond leur boulot dans un monde d'une violence désespérante.
Quant à l'Afrique du Sud, c'est un décor comme un autre, exotique, bouleversé, qui permet à l'auteur de donner libre cours à cette idée d'une police dernière barrière contre le mal, dont les vrais héros sont prêts à tout.
 Et si l'on veut des flics crédibles, dans le contexte de l'Afrique du Sud d'aujourd'hui, franchement, mais franchement , c'est Deon Meyer le meilleur(voir un de mes articles précédents), sans esbrouffe, au plus prêt d'une réalité mouvante, nuançant intelligemment les clichés sur l'Apartheid, le suspense et l'action en prime.

 

POLARS dans le tiroir

Glacé. Bernard Nimier.

Outsider, un nouveau qui promet. Prix du meilleur roman francophone du festival Polar 2011 de Cognac.
Un flic sans aspérités, tenace, peu bavard, pas franchement physique, qui ne sait pas tirer, mais qui pratique à l'occasion la citation latine:
« labor omnia vincit improbus » un travail opiniâtre vient à bout de tout. Enfin presque.
Le commandant Servaz ne sait pas ce qui l'attend quand il se rend sur les lieux d'un crime plutôt atypique: Le corps sans tête d'un cheval accroché au sommet d'un téléphérique dans les Pyrénées.
C'est le début d'une enquête où la météo et la nature ont un rôle essentiel.
« Des nuées sombres et mouvantes passaient au dessus du cratère gelé qui prenait tout à coup un aspect sinistre. Un vent violent charriait des flocons. Le décor, brusquement collait avec le crime... »
Au même instant une psychologue prend ses fonctions dans un hôpital psychiatrique, aux allures de forteresse, dans une vallée voisine, où sont enfermés des malades mentaux difficiles, dont un tueur en série évoquant Hannibal Lector.
Vous n'en saurez pas plus, mais il faut vous dire que vous achèterez la suite dans la foulée: Le Cercle.
Deux tomes de plus de 700 pages chacun, un vrai délice, j'attends la suite.
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