Voici une suite d'un article du 15 septembre 2011, que j'avais intitulé c'est pas mon genre. Il y était question du transsexualisme, qualifié par le corps médical de dysphorie de genre et les infos que j'avais développées alors, sont toujours d'actualité.
Les esprits chagrins pourront objecter que je radote. Peut-être.
C 'est pourquoi je vais vous parler d'amour. Au moins s'il y a un domaine où l'on peut dire et faire n'importe quoi, c'est bien celui du transport amoureux. Pas du bas de gamme, c'est de la passion dont il va être question.
DANISH GIRL
C'est Tom Hooper qui s'est collé à la réalisation de The Danish Girl, adaptant un livre de l'américain David Ebershoff. D'après une histoire vraie, dit le générique. Une erreur à mon avis. D'abord parce que l'angle que choisit le réalisateur est loin des considérations épistémologiques ou techniques de l'affaire transgenre qui nourrit les débats des pour et des contres. On a pu entendre les cris d'orfraie autour des définitions sur le genre: comment a-t-on pu laisser un cisgenre interpréter un transgenre.
Pour les naifs que nous sommes, un cisgenre serait un mec né mec ou une femme née femme. Ça c'est pour les transsexuels intégristes . Rassurez-vous, les autres ont à l'inverse, des doutes sur l'origine de notre héroïne. Il y aurait une indétermination possible, bref des chipotages sans intérêt, quand on sait que Lili Elbe a subi dans les années 30 plusieurs interventions de réassignation sexuelle (cf article du 15/09/2011), à une époque où la chirurgie donnait encore dans le brutal.
j'ai dit qu'on parlerait d'amour.
Petite sirène
À Copenhague dans les années 20, la gay-pride n'a pas encore eu lieu. Néanmoins, notre histoire se déroule dans les milieux artistiques, où les règles ne sont pas celles qui régissent la vie de la capitale du Danemark, ne vous fiez pas à la petite sirène assise en face du port. Industrieuse, bourgeoise, la ville est rugueuse et les principes résistent au froid.
Gerda Wegener s'est mariée à 19 ans avec Einar Wegener, en 1904. Ils sont peintres et surtout illustratrice pour Gerda. Erotisme et exotisme sont les thèmes qui la font connaître des collectionneurs.
Les interrogations sur la sexualité font partie des échanges entre les deux époux, notamment à l'occasion de séjour parisien dans l'hôtel d'Alsace ou est mort 10 ans auparavant le sulfureux Oscar Wilde.
Les premières illustrations où figurent Lili ne tardent pas à avoir du succès.
Grace à l'amour de Gerda
Parce que Gerda n'avait plus son modèle habituel, il lui a fallu utiliser les moyens du bord. C'est son mari qui va se déguiser, enfiler des bas, se vêtir de la robe. La confusion née du travestissement, l'étonnement que provoquent le tissu, la dentelle , ouvrent des portes inattendues à Einar. Pas si inattendues en fait, mais dans une société qui ne laisse aucune place au changement, on imagine parfaitement que cette inclination est malvenue, et donc refoulée.
Ce n'est pas une vision militante que nous propose Tom Hooper, on pourrait même dire qu'elle est aseptisée. Le regard de la société est à peine esquissé dans une scène ou Lili se fait agresser dans la rue. C'est la révolution intérieure qui passionne l'auteur.
Le couple évolue dans son monde d'artistes, déjà acquis à la cause. C'est là que Lili fait sa première apparition, le premier pas de son cheminement émotionnel, et la confusion qui l'envahit lorsqu'il réalise ce qu'il déclenche.
Les premières séances de maquillage de Lili, avec l'aide de Gerda, comme la gestuelle et la démarche aboutissent à une transformation, qui en retour semble la fasciner , curieuse de découvrir Lili.
Un amour inconditionnel en dépit de la determination incoercible de son mari.
Plaidoyer
Le réalisateur a choisi, non pas un un plaidoyer sur la tolérance, l'acceptation de l'autre, de sa différence, au sein du couple, mais plutôt d'en faire un tableau, par touches(couches) successives . Un sujet très casse-gueule, qui pouvait sombrer dans le ridicule, et faire rire les mecs, les vrais. Le pari est plutôt réussi, en grande partie grâce à l'interprétation de Eddie Redmayne, franchement bluffante, qu'on suit dans cette quête de l'identité à travers l'histoire d'une des pionnières du transsexualisme.
Lili est devenue Lili Elbe, en franchissant ce fleuve, l'Elbe, avant d'entrer dans la clinique à Dresde, pour y subir ce qui devait la rendre conforme à l'idée qu'elle avait d'elle.